Depuis longtemps on avait envie d’aller faire un tour à l’Epéna pour aller faire Zelix. Un petit parfum d’alpinisme et d’aventure et très peu
d’infos sur cette voie qui est la plus abordable de la face, pas forcément pour la difficulté de l’escalade, mais à coup sûr pour ce qui est de l’équipement et de l’engagement. On part donc jeudi
soir à 20h de Champagny pour monter au refuge de la Glière, ce n’est pas obligatoire mais ça raccourcit l’approche de 400m pour le lendemain. En montant on entrevoit la face à travers les nuages.
Enfin plutôt les faces, car ce n’est pas à un seul sommet qu’on a à faire mais à une muraille de plusieurs kilomètres de large et 800 m de haut défendue par de petits bouts de glaciers qui ont
l’air bien teigneux vue d’ici. En tout cas c'est magnifique et sauvage. A 21h on est au refuge, seul, mais la gardienne qui est redescendue nous a préparé un plateau petit dej pour le lendemain
matin.
A noter que ce refuge et même
au-delà, sont accessibles en VTT. On est dans le Parc de la Vanoise mais il y a une dérogation qui permet d’aller jusqu’au terminus de la piste soit 10 km pour 800 m de dénivelé. Balade pas très
technique mais sûrement 3 étoiles pour ce qui est du panorama.
Le lendemain on décolle vers 8h
sous la muraille nord de L’Epena déjà bien au soleil. Notre face n’est pas visible, elle est cachée derrière l’Encorgnelue petite aiguille sous la face sur la droite de la photo. Du refuge on
doit redescendre 100m de dénivelé pour attraper un pont et le sentier qui permet de se glisser au milieu de la dense végétation. Vers 2200 on le quitte pour monter à vue vers le glacier de la
Glière.
Chemin faisant Antoine
sympathise avec les habitantes du coin, il devra ensuite accélérer notablement l’allure pour échapper à leurs manifestations d’affection…
Une fois délivrés des avances de ces dames on attaque la moraine et on arrive en
vue du glacier. C’est assez tourmenté mais ça passe bien rive gauche moyennant quelques passages en vraie glace (débutant en crampons ça peut être délicat). Une fois monté, il ne faut pas couper
trop vite vers l’attaque à cause de très grosses crevasses mais monter en direction du col de la Glière pour rejoindre un replat.
L’ambiance est superbe, le col
de la Glière lui est complètement sec. La gardienne me disait que jusqu’à il y a 3, 4ans il gardait de la neige/glace toute la saison, ce n’est plus le cas maintenant. Pour nous il ne reste
maintenant qu'une traversée descendante pour atteindre l’attaque. Enfin l’attaque, l’attaque c’est vite dit car il faut la trouver maintenant cette attaque. Spit de 8 dans une fine fissure à la
rimaye dit le topo… On cherche à l’endroit supposé et dans un coin où la rimaye peut être franchie, rien. On a pourtant amené les jumelles pour repérer éventuellement des points plus haut, pas
facile à trouver… On se doute bien que par les temps qui court le niveau du glacier a pu beaucoup bouger. Il y a effectivement une zone plus claire d’environ 15 mètres qui semble matérialiser ce
recul. On cherche donc au-dessus de cette zone mais malgré plusieurs aller/retour toujours rien. On hésite même à un moment à aller voir au-dessus, il y a bien plusieurs endroits où ces fameux 15
premiers mètres ne semblent pas trop difficiles mais bon, si plus haut on ne trouve rien, il faudra pouvoir redescendre et la rimaye est vraiment béante et très profonde par endroit…
Y a presque une heure qu’on cherche, on est prêt à abandonner mais on finit par aller voir vers l’Encorgnelue dans du rocher ocre. Ca ne correspond pas au Topo qui situe plutôt l’attaque à droite
du rocher ocre justement. En plus à cet endroit le rocher surplombe, la rimaye n’est vraiment pas accueillante et pourtant… En regardant les choses de biais je tombe enfin sur le fameux spit. Il
est effectivement au-dessus de la rimaye dans du rocher noir mais environ 15 mètres plus haut que le niveau actuel du glacier. Du coup en remontant le glacier de 15 mètres on retrouverait presque
le topo.
Maintenant ça parait évident mais au départ, outre que l’endroit ne correspondait pas vraiment, pour repérer ce spit il fallait prendre un sacré recul ou regarder par le coté car à sa verticale
il était complètement masqué. Enfin bon voilà on a trouvé. Passer ce bref moment de satisfaction il nous faut maintenant réexaminer la situation et prendre la
décision : y aller ou pas.
Déjà l’accès direct au spit est exclu. Il semble néanmoins atteignable par une traversée gauche/droite. Un pont neige plus quelques mètres qui ont l’air faciles doivent nous amener 5 mètres
dessous. La suite semble être aussi possible…et on doit pouvoir le rejoindre. On repère même un autre point 20 mètres au-dessus. Ouais…un autre truc nous trotte aussi dans la tête, si le dernier
rappel faisait par exemple 40 mètres compte tenu de la configuration actuelle il ne nous permettra pas de rejoindre le glacier… Bof, bof... tout ceci ajouté au temps perdu, on hésite.
C’est le moment où il faut choisir entre s’engager dans une superbe paroi avec cependant quelques points d’interrogations ou se contenter de cette belle balade glacière dans un coin magnifique et
sauvage. Il y a quelques années le choix aurait sans doute été plus évident mais là en plus de la situation objective, pleins d’autres considérations entre en ligne de compte qui avec l’age
ressortent d’autant plus facilement (famille, enfants...). Dans ces moments la frontière entre la sagesse et la frousse est toujours assez ténue et tout peut se jouer dans une expression ou un
regard de son compagnon de cordée. Pour nous aujourd’hui ce sera direction le bas, avec toujours forcément quelques regrets. Pas trop toutefois car si l’expérience et le vécu ôte parfois une
certaine insouciance favorable aux entreprises d’envergures, en revanche elles permettent facilement d’assumer la décision prise. A nos ages on est quand même là essentiellement pour se faire
plaisir. Et puis bon, du coup, comme on pense être de retour à la voiture vers 14h, que les journées sont longues et que la Vanoise est généreuse on n'a peut-être pas dit notre dernier mot coté
escalade.
Descente du glacier de la Glière
toujours de la vraie glace mais sous le soleil cette fois avec la face en arrière plan encore dans l'ombre.
La bas de la face vue en
redescendant : l’attaque originale est sous la flèche rouge. Au-dessous c’est surplombant par contre ça doit s’atteindre pas trop difficilement en traversant de gauche à droite (flèche
verte). Notre zone de vaines recherches initiales est sur la droite de l’attaque (en rouge).
L'Epéna vue de la voiture, à 14h Zélix sur la droite commence seulement à prendre
le soleil. Pas besoin donc de l’attaquer trop tôt et choisir de préférence un petit matin pas trop frisquet et une journée sans nuage. Ce n’est pas ça qui nous a fait défaut aujourd’hui où ces
conditions étaient tout à fait réunies. On va d’ailleurs réussir, malgré la légère fatigue du moment, à en profiter un peu plus loin...la suite ici.